Page 11 - Lettre d'information n°33
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II LE MYTHE DES ORPHELINATS
L’anticléricalisme apporte une vision négative également entrevoir les populations admises
des orphelinats. Les républicains exploitent les dans ces établissements, en contant une anec-
ambivalences en matière d’apprentissage pro- dote sur une infirme « pensionnaire d’un orphe-
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fessionnel à des fins politiques. La réputation linat » . Au-delà de l’absence parentale, ces
des orphelinats se dégrade fortement à la fin du structures recueillent toutes les souffrances
XIXe siècle. L’éducation en internat, derrière les enfantines ; la perte d’un parent n’est d’ailleurs
murs et les grilles, suscite les critiques et ali- même pas une condition d’admission…
mente les rumeurs, ou du moins le mystère. Nos
recherches n’ont finalement mis au jour que peu
de travaux sur cette institution. Ces établisse-
ments relèvent davantage du mythe que de la
science. En exagérant le trait, les orphelinats
semblent inconnus des écrivains, méconnus
des historiens et ignorés des juristes.
2.1 « Inconnus des écrivains »
La littérature du XIXe siècle, pourtant prompte à
dépeindre la réalité sociale de l’époque ou à
imaginer le glorieux destin d’enfants orphelins,
offre peu de références sur les orphelinats.
L’institution ressemble à un mythe, dont le sens
se perpétue à travers l’imagination collective, et
que la tradition littéraire même n’a pas osé s’ap-
proprier. Si les écrivains peuvent témoigner par
petites touches d’éléments connexes aux orphe-
linats, aucun dans l’ensemble n’en retrace une
description plus poussée.
L’immense œuvre d’Émile Zola, constituant cer-
tainement l’un des meilleurs témoignages sur le
siècle, ne renferme ainsi que quelques occur-
rences. Dans L’argent (1891), œuvre de la fin du
cycle romanesque des Rougon-Macquart, la La littérature de jeunesse contient d’autres élé-
princesse d’Orviedo dilapide son héritage (dont ments, notamment chez Alphonse Daudet.
elle estime les origines spéculatives malsaines) Dans sa nouvelle Les vieux, tirée du recueil des
en créant notamment un orphelinat Saint- Lettres de mon moulin (1872), il décrit un cou-
Joseph à Saint-Mandé , un acte de contrition vent pour orphelines qui lui sert de repère lors
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qui met en lumière le caractère pieux des fonda- d’une excursion : « une grande maison maus-
tions d’orphelinats. Dans Lourdes (1894), pre- sade et noire, toute fière de montrer au-dessus
mier ouvrage de son autre cycle relatif à trois de son portail en ogive une vieille croix de grès
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villes (Lourdes, Rome, Paris ), Zola mentionne rouge avec un peu de latin autour » . Le narra-
à plusieurs reprises l’orphelinat des Sœurs de teur rencontre plus loin deux orphelines « en
Nevers « dont les vastes bâtiments resplendis- pèlerine bleue ». L’allusion au costume se re-
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saient au soleil » . La désignation illustre la trouve encore dans le texte Les francs-tireurs,
prépondérance congréganiste dans l’adminis- extrait du recueil Quarante ans de Paris (1857-
tration de telles œuvres. L’auteur nous laisse 1897), à travers une petite cantinière « habillée
21 L’auteur décrit une institution conséquente dans laquelle « cent garçons et cent filles recevaient une éducation et une
instruction » (E. Zola, L'argent, France Loisirs, Paris, 1988, p. 85).
22 Énumérant les différentes catégories d’œuvres de miséricorde existant à Paris, l’écrivain n’oublie pas d’évoquer les
orphelinats. Cet inventaire n’exprime pas l’étendue de l’action caritative, mais au contraire les doutes du héros, Pierre
Froment, quant à l’efficience de la charité (E. ZOLA, Paris, Edition d’Henri Mitterand, Stock, 1998, p. 108).
23 E. Zola, Lourdes, Edition de Jacques Noiray, Gallimard (Folio Classique), Paris, 1995, p. 172.
24 Ibidem, p. 100.
25 A. DAUDET, Lettres de mon moulin, E. Fasquelle, Paris, 1972, p. 140.
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