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il conduisait à laisser dépendre le succès du éventuelles appréhensions de l’électorat. Le
projet du choix démocratique. Une réorganisa- recours à un vote « départementalisé » pour
tion des caisses de cette ampleur devait néces- chaque collège, plutôt que par l'ensemble des
sairement intéresser leurs adhérents, d'autant délégués cantonaux réunis en Assemblée Gé-
que l'attachement à l'échelon départemental nérale, est imprégné de ces enjeux politiques
constituait alors un élément culturel fort de qui excèdent les seules considérations tech-
l'institution, auquel les populations agricoles niques. Il y avait là un enjeu communicationnel
sont attachées. Or, parce que l'organisation majeur. Garantir la parité, ce n'était pas seule-
mutualiste laisse la place à l'élément démocra- ment envoyer un message rassurant aux
tique, les électeurs avaient le pouvoir de faire Caisses, c'était également envoyer un message
barrage au projet. Il y avait donc de véritables à leurs adhérents. Si la parité était garantie,
enjeux politiques à prendre en compte lors de la alors il n'y avait pas absorption d'une caisse par
préparation des élections de 1994. une autre, mais union des deux.
Une volonté de contrôler la communication Ce projet emportait l'adhésion de la majorité
relative au projet de fusion des membres du conseil d'administration fédéral,
et des arguments importants furent en effet
Décider de créer un nouvel échelon supradépar- invoqués pour soutenir cette idée. Tout d'abord,
temental appelé à remplacer les institutions il était argué d'une « nécessité de maintenir une
existantes, c'était prendre le risque de provo- certaine identité départementale dès lors qu'elle
quer une réaction des adhérents, et les inciter à ne nuis[ai]t pas à l'état d'esprit global du rappro-
élire des délégués communaux hostiles au pro- chement, la perception des délégués de base
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jet. Cette crainte des bénéficiaires peut même étant d'importance en la matière » . Ensuite,
sembler légitime. La qualité du service rendu ne permettre une « meilleure connaissance des
risquait-elle pas de diminuer et la proximité qui Administrateurs par leurs propres mandants et
la sous-tendait de se relâcher ? Certes, les élec- la garantie que le processus électif ne soit pas
tions de 1994 constituaient une opportunité arbitré par des contextes locaux spécifiques ou
dans le calendrier du rapprochement. Procéder un différentiel de participation des délégués lié
à la fusion des deux caisses à cette occasion, au lieu de convocation de l'Assemblée Générale
c'était s'épargner la nécessité de nouvelles élective ». Mais, ces deux arguments prenaient
élections anticipées pour désigner un nouveau leur sens à l'aune de la « perception laissée aux
conseil d’administration. Mais, très tôt, les admi- adhérents d'une réelle parité dans l'administra-
nistrateurs eurent l'intuition qu'il y avait un risque tion d'un outil commun pour lequel un équilibre
de susciter craintes et hostilités chez les de gestion a été voulu dès l'origine ».
adhérents en ne maîtrisant pas correctement la
communication sur le projet. Dès qu’ils fixèrent La réception qui pouvait être faite des réformes
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la création de la Caisse Tarn-Aveyron au 1 jan- par les électeurs n'a donc pas été délaissée.
vier 1995, les administrateurs s'accordèrent à Bien au contraire, le choix du vote départemen-
dire qu'« il para[issait] toutefois judicieux de ne talisé, s'il permettait de garantir la protection de
pas médiatiser cette perspective vis-à-vis des l'identité départementale, offrait également un
tiers, de façon à ne pas faire d'une date butoir argument permettant de calmer les doutes po-
un point de fixation » . Dans un premier temps, tentiels des populations gérées. C'était dire aux
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le choix fut donc fait de communiquer très mo- adhérents que la refonte du ressort spatial tradi-
dérément sur les perspectives envisagées. tionnel ne se ferait pas en sacrifiant la prise en
D'ailleurs, si M. Dubeau insiste sur le soin ac- compte des cultures et des pratiques locales.
cordé à la communication interne avec les
personnels sur le projet, il concède une moindre La nécessaire mobilisation des échelons
préoccupation pour la communication externe . locaux derrière le projet de fusion
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La défense de l’identité départementale dans Le respect des exigences démocratiques pas-
les discours électoraux sait également par l'étude de la place et du rôle
des échelons locaux au sein de la Caisse pluri-
Si le souci de ne pas perdre le contrôle sur les départementale. Si cette question intéressait la
élections a conduit à limiter la communication future Caisse Tarn-Aveyron, elle ne pouvait être
officielle vers les électeurs, cela ne signifie pas strictement détachée de l'organisation des élec-
pour autant qu'il n'y en ait pas eu. Au contraire, tions, puisque la question était celle d'endiguer
les choix retenus pour l'organisation des les désaccords qui pourraient émerger des
élections traduisaient un souci de calmer les échelons locaux.
37 PV C.A. Fédération, 12 octobre 1991.
38 Entretien avec M. Dubeau.
39 PV C.A. Fédération, 9 novembre 1993 pour cette citation (et les suivantes de cette page et de la page 19).
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