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faire voir qu’il réside, 1° dans les hommes, À son retour de Barcelone, Pariset concluait à
2° dans les effets usuels, 3° dans les marchan- l’importation de la fièvre jaune et approuvait la
dises, 4° dans l’air qui environne tous ces objets mise en place d’un cordon sanitaire de 15 000
à une assez faible distance ». hommes s’étendant tout au long de la frontière
pyrénéenne, ainsi que le dispositif des quaran-
Selon les contagionistes, la maladie se commu- taines en usage dans les ports méditerranéens,
nique d’un individu infecté à un individu sain par notamment à Marseille et à Toulon. Il recevait
contact immédiat dans les relations sociales, ou l’appui éminent de Keraudren, Inspecteur géné-
médiat par l’intermédiaire d’objets. Or ces objets ral de la Marine, de Laënnec, de Fodéré, auteur
sont multiples et sont d’intérêt différent, des de l’article Quarantaines dans le Dictionnaire
« hardes » et vêtements, impliqués dans les des Sciences médicales de Panckouke (1818)
contacts sociaux, aux marchandises, substance où il définissait les lazarets comme une « en-
des échanges commerciaux. Le contagionisme ceinte spatiale, parfaitement isolée, contenant
inclinait donc à restreindre la libre circulation des plusieurs bâtiments destinés à recevoir les
hommes et des marchandises, à imposer des hommes et les choses des pays infestés par la
mesures défensives privatives de liberté. contagion ».
Dès le départ de la délégation médicale fran-
çaise la polémique fit rage à Barcelone sur la
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nature indigène ou exotique de la maladie . Un
clan anti-contagioniste de treize médecins dont
J-A Rochoux , membre de la délégation fran-
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çaise, par la plume de Puiguillem, contestait le
22 décembre 1821, dans un supplément du
Diario, les conclusions officielles françaises et
plus tard (février 1822) par la publication d’une
brochure « contre l’importation ». Le même
Rochoux, membre officiel de la délégation, qui
avait quitté précipitamment Barcelone à la mort
de Mazet, publiait contre ses confrères, dès son
retour, deux écrits anti-contagionistes : Re-
cherches sur la fièvre jaune et preuve de sa non-
contagion dans les Antilles et Dissertation sur
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le typhus amaril ou maladie de Barcelone impro-
prement appelée fièvre jaune .
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L’offensive anti-contagioniste déclenchait en
mars la contre-attaque d’un pack de huit conta-
gionistes, membres de l’Académie de médecine
pratique de Barcelone devant laquelle l’affaire
fut portée et tranchée par un vote. L’épidémie
est-elle exotique ou indigène ? Contagieuse ou
non contagieuse ? Les contagionistes l’empor-
tèrent par huit voix contre six, une abstention (ne
sait pas) et un vote médian : l’épidémie est l’une
et l’autre. À noter que dans chaque camp un
médecin déclara l’épidémie « essentiellement
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contagieuse » .
Le contagionisme qui cherchait dans la
circulation l’origine du mal, contestait le principe
Source Internet Archive
https://archive.org/details/b21353906/page/n8/mode/2up même du libéralisme : la libre circulation.
3 D-M HENRY, Archiviste de la Préfecture des Pyrénées-Orientales, Relation historique des malheurs de la
Catalogne, Paris, Audot et Béchet, 1822. L’ouvrage est dédié à Pariset, Bally et François.
4 Ainsi notamment que Macléan (Londres) et Lassis (Paris).
5 Paris, Bréchet jeune, 1822.
6 Ibidem.
7 Le contagionisme et l’anti-contagionisme ont leurs extrémistes et leurs modérés. Larrey, auteur de Considérations sur la
fièvre jaune, favorable à l’isolement, se range parmi les modérés : « Je vais essayer de reconnaître l’existence de cette
propriété contagieuse, dont l’existence est contestée par les uns, et c’est le plus grand nombre, et exagérée par beaucoup
d’autres, autant pour sa communication ou sa propagation, que pour sa durée et sa stabilité dans les organisations
(expression du docteur Pariset). »
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