Page 8 - Lettre d'information n°32
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II LES ASSURANCES SOCIALES DES LOIS DE 1928-1930 ET LES
ALLOCATIONS FAMILIALES VONT PRÉFIGURER LE SYSTÈME DE
SÉCURITÉ SOCIALE, MALGRÉ LEURS LIMITES
2.1 L’élaboration des lois sur les • principe d’obligation pour les assurés et
les employeurs,
assurances sociales
• principe de solidarité nationale, de soli-
darité professionnelle et de solidarité
Tout aussi laborieuses que pour les lois sociales sociale.
antérieures sont l’élaboration et l’adoption de la
loi de 1930 sur les assurances sociales, précé- « Le Gouvernement a été ainsi amené à poser à
dée d’une loi de 1928 que les oppositions des la base de la réforme, le principe d’obligation […]
mutualistes et du corps médical obligent à Nécessité pour les assurés qui n’ont pas le droit
adapter. de rester à leur gré à la charge de l’assistance
publique et de se refuser à faire lorsqu’ils travail-
Au lendemain de la guerre 1914-1918, le lent l’effort utile pour se prémunir contre les
Gouvernement entend apporter aux « travail- risques éventuels. Nécessité pour les em-
leurs de la terre et de l’usine » un mieux-être ployeurs, qui ont besoin pour pouvoir supporter,
nécessaire par la mise en place d’assurances dans l’établissement de leurs prix de vente, les
sociales. Il y est, en particulier, conduit par le répercussions de ces charges sociales, de les
retour de l’Alsace et de la Lorraine qui disposent savoir réparties également entre eux et leurs
d’une législation sociale beaucoup plus large concurrents.
(les assurances sociales mises en place par Mais l’obligation ne peut se comprendre que
Bismarck) et par le constat que la France est, soutenue, étayée en quelque sorte par la solida-
dans ce domaine, à l’arrière-garde des nations rité. Solidarité nationale […] Mais solidarité
d’Europe. professionnelle aussi, entre patrons et ou-
Le projet initial de l’administration, présenté en vriers[…] Solidarité sociale enfin entre […] les
1921 par Georges Cahen-Salvador , directeur modestes et les mieux pourvus, entre les céliba-
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des retraites ouvrières et paysannes au taires et les pères de famille […] . »
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ministère du Travail, est doté d’une rationalité
administrative certaine et se fonde sur l’analyse La rationalité initiale du projet d’organisation
de certains principes : cédera pour partie la place à la prise en compte
des institutions existantes, principalement mu-
tualistes et médicales. Les mutualistes finissent
par accepter l’obligation sous plafond d’affilia-
tion, dès lors que leurs institutions peuvent par-
ticiper à la gestion de la nouvelle organisation
des assurances sociales. La loi prévoit donc que
les caisses départementales, dont le conseil
d’administration doit comprendre dans ses
membres la moitié au moins d’assurés élus, ne
recevront que les assurés qui ne font pas le
choix d’une autre structure.
Cela limite, comme pour les retraites ouvrières
et paysannes, le rôle des organisations syndi-
cales dans la gestion du système. Les syndicats,
reconnus en 1884, s’étaient peu investis dans la
protection sociale, sous réserve de caisses de
G. Cahen Salvador 1939 secours en cas de chômage ou de grève. Ils pri-
Archives nationales de Pologne
vilégiaient la revendication et la lutte des classes
9 LECLERC Pierre, 1870-1945, coll. La Sécurité sociale. Son histoire à travers les textes, tome II, Association pour l’étude de
l’histoire de la Sécurité sociale, 1996.
10 Georges Cahen-Salvador (1875-1963) entre au Conseil d’État en 1898, devient directeur des retraites au ministère du
Travail où il prépare le projet de loi sur les assurances sociales de 1928. De 1927 à 1934, il est délégué de la France à la
SDN. De 1936 à 1940, il préside la section de l’Intérieur du Conseil d’État. Parallèlement, il préside le Conseil national
économique. Voir dans Revue d’histoire de la protection sociale, n° 7, 2014 plusieurs articles consacrés à Georges Cahen-
Salvador. Internet : Revue d'histoire de la protection sociale 2014/1 | Cairn.info.
11 CAHEN-SALVADOR Georges, Les assurances sociales. Le nouveau projet de loi sur les assurances sociales, Association
nationale pour la protection légale des travailleurs, Félix Alcan et Marcel Rivière, éditeurs.
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