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avait été bien construit car pendant le week-end, il Ces actions ont également eu des répercussions
n’y avait personne pouvant être atteint. sur la vie privée des acteurs de l’Institution, l’un
Cet évènement sur le coup, nous a impressionnés d’entre eux raconte : « J’ai eu les pires ennuis avec
mais n’a pas entraîné des marches arrière sur notre un artisan quand il a appris que je travaillais aux AVA
mission de recouvrement. » alors que pourtant j’avais vérifié sa situation (enga-
gement de paiement respecté avec le Service na-
Un autre témoignage relate de la violence envers le tional du contentieux). Sans parler des repas le di-
personnel de l’Institution : « Des menaces ont été manche où vous vous retrouvez avec des profes-
proférées à l’encontre des équipes de direction, sionnels de santé (mon public actuel !) qui vous as-
mais aussi à l’ensemble du personnel (toujours sène des inepties sur votre travail (sans savoir qui
prendre en charge vis-à-vis d’eux), sans parler des vous êtes) pendant des heures… (non ! après le
élus et les partenaires (je pense en particulier aux samedi le dimanche !) Et j’en passe… Les tickets
huissiers de justice chargés du recouvrement forcé repas en semaine « vous travaillez là ! Pourtant
par les caisses). Il y a eu des invasions de caisse vous étiez sympathique… Allez on change de
(en 1993 par exemple avec occupation des locaux), cantine ! ». D’autres ont été menacés « deux fois de
des manifestations rassemblant plusieurs milliers mort mais pour des refus d’attribution de pension ! »
de personnes, des invasions d’étude d’huissier
etc. Réagir à cela n’est pas évident. Il faut protéger Si les violences étaient principalement perpétrées à
les outils et les locaux professionnels (blindage, sys- l’encontre des locaux, un conseiller du CPSTI
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tème d’alarme, protection des données) tout en ayant « assisté de la destruction de la caisse
continuant à travailler. Il faut saisir les instances Organic Perpignan », elles se sont également avé-
nationales, les pouvoirs publics, la tutelle (la DRASS rées physiques à l’encontre des acteurs de l’Institu-
à l’époque), les forces de police etc…Il faut gérer les tion ainsi que le relate un ancien responsable du re-
contradictions entre ouverture au public et risque couvrement AVA : « Au moins un collègue agent de
accru d’invasion. Il faut aussi gérer la psychologie terrain a été victime d’une agression coup de poing
des salariés et le traumatisme qu’ils subissent (y au visage et menaces. Les accueils ont été sécuri-
compris avec l’aide de professionnels). Mais aussi, sés par des portes à ouverture commandée et, si je
et je dirais presque surtout, et cela paraît bizarre me souviens bien, ils avaient un contact direct avec
hors du contexte de l’époque, il faut aussi garder le les forces de police. La direction était bien évidem-
contact avec les adhérents du mouvement contes- ment en contact étroit avec les renseignements
tataire (expliquer, convaincre de l’intérêt de payer généraux, et particulièrement lors des épisodes ten-
les cotisations pour préserver les droits etc.) et dus (manifestations quel que soit l’endroit dans le
accepter que ces adhérents soient accompagnés pays). Je me souviens que les bus de manifestants
par des responsables du syndicat contestataire. étaient suivis kilomètres par kilomètres ! »
Connaître les gens, parler avec eux, même si cela Néanmoins, si la violence était souvent de mise,
n’aboutit pas est un moyen indispensable de faire certains anciens acteurs de l’Institution n’en ont pas
baisser les tensions. « Porte ouverte, jamais porte connu : « Ni moi-même ni mon entourage person-
close ». Ces témoignages rendent compte de la nel ou professionnel n’avons subi des menaces.
volonté institutionnelle de maintenir le dialogue avec Nous pouvions seulement déplorer parfois un ton
les contestataires. un peu vif de certains cotisants reçus à l’accueil. »
Les témoignages se poursuivent et convergent tous b) position de la CDCA face aux accusations
vers une période marquée par la révolte et l’agres- de violence
sivité de la CDCA : « nous courrions le risque (qui Au détour de son entretien avec l’ancien leader de
s’est avéré) d’envahissement de nos locaux par une la CDCA, le journaliste Éric Casablanca évoque la
manifestation secondaire et locale. En consé- violence issue du mouvement et interroge quant
quence il nous est arrivé à de nombreuses reprises aux actions menées chez les huissiers. Christian
de garder physiquement des samedis entiers les lo- Poucet affirme qu’« il n’y en a pas eu tant que cela
caux. Toute une époque !!! ». Un autre témoignage et nous n’avons jamais molesté personne. Il s’agis-
relate : « quand notre caisse a été envahie, tout a sait d’action pour soutenir des membres du CDCA
été cassé (la majorité des cloisons était en verre, les qui se trouvaient menacés de tout perdre et qui
fenêtres, les dossiers, le matériel, et mes objets étaient victimes de véritables injustices. Certains
privés cassés ou volés) on nous a évacués avant papiers sont passés par la fenêtre, certes, mais
leur arrivée. »
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aucun huissier n’a été blessé. »
57 CPSTI : conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (au sein des Urssaf)
58 Christian Poucet, En plein liberté.., op.cit.
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