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Avant-propos de François Hiebel

                               Directeur général de l’Urssaf Languedoc-Roussillon


                                Octobre – novembre 1995, la Sécurité sociale ébranlée

                                          Même  si  le  mouvement  de  contestation  présenté  dans  cette  étude,
                                          s’inscrit  dans  un  continuum,  il  n’en  reste  pas  moins  que  les  crises  se
                                          manifestent également par des pics, des moments extrêmes.
                                          L’Occitanie, et plus particulièrement le Languedoc-Roussillon, ont, nous
                                          le verrons, constitué souvent à la fois le théâtre et parfois l’épicentre de
                                          ce mouvement, à travers celui de la CDCA. Mais il ne s’est pas limité à la
                                          région. Ces abcès de crise ont également une portée nationale.

                                          Ce fut le cas en octobre et novembre 1995 : pour ses 50 ans, la Sécu a
                                          vraiment vécu sa crise de la cinquantaine.
                                          D’un côté, les déséquilibres financiers persistants rendaient indispensable
              une réforme  de  la gouvernance pour prendre les mesures d’équilibre.  Le  « plan Juppé »,  présenté  le
              15 novembre 1995, allait se concrétiser par une réforme de la Constitution. Mais les annonces de réforme
              des  systèmes  de  retraite  allaient  provoquer  des  grèves  importantes  qui  sont  parvenues  à  entraver  le
              fonctionnement du pays.
              De l’autre, quelques jours auparavant, le mouvement de contestation du monopole de la Sécurité sociale,
              se manifestait le 30 octobre 1995, à Bordeaux (ville du Premier ministre !), par des saccages de bâtiments
              administratifs (dont l’un à quelques mètres de la Mairie), par des incendies, destructions de dossiers,
              matériels, mais également des menaces sur les salariés et les huissiers. Les auteurs de ces actes étaient
              venus de plusieurs régions de France et bien sûr de la nôtre.
              Dans  son  discours  d’annonce  de  la  réforme  de  la  Sécurité  sociale,  à  la  tribune  de  l’Assemblée,  le
              15 novembre 1995, Alain Juppé s’adressait certainement, tant il venait d’être marqué par ces évènements,
              à  la  fois  aux  organisations  syndicales  de  salariés,  opposées  à  la  réforme,  mais  également  aux
              contestataires du monopole de la Sécu :
              « l’addition des corporatismes et des égoïsmes, qui existent, et se manifestent, ne sauraient arrêter notre
              élan » …  « Si le sens des responsabilités, la primauté de l’intérêt général, … l’emportent, nous allons
              réussir ce qu’on n’a pas osé entreprendre depuis 30 ans. »

              Avant de laisser le lecteur partager, découvrir l’étude historique de Madame Amel Ait Akli, qui comme il le
              verra, fait également appel aux bases juridiques de la Sécurité sociale, je vous propose de vérifier si le
              sens étymologique des deux mots principaux du titre de l’étude : « mouvement contestataire », est bien
              adapté, en faisant appel à notre bon dictionnaire latin, le Gaffiot.
              Mouvement, du verbe latin « movere », ne signifie pas uniquement une action de déplacement, mais porte
              plutôt le sens de : « remuer, agiter ». Comme c’est adapté !
              Contestataire,  issu  du  verbe  latin  « contestari »,  signifie  prendre  à  témoin  et  engager  un  procès.  Là
              également, cela correspond à un des modes d’action du CDCA : la contestation en justice, s’appuyant
              paradoxalement sur un allié imprévu, et, a priori, peu apprécié idéologiquement par les contestataires :
              l’Europe et les règles de libre concurrence.

              Trente ans après le plan Juppé, au moment où nous nous préparons à marquer les 80 ans de la Sécurité
              sociale, l’étude d’Amel Ait Akli, nous permet de revivre pour certains, découvrir pour l’auteure de l’étude,
              et pour d’autres, des pages de l’histoire de la Sécu, qui l’ont ébranlée. Mais qui, comme le lecteur le verra,
              ont également amené à des réponses adaptées, prudentes, mais fermes et déterminées.
              Mais, sans conteste, je pense que, prises isolément, ces réponses n’auraient pas été suffisantes. Ce qui
              a été, et reste déterminant, comme l’étude souligne ce fondement, c’est l’impérieux besoin de nos sociétés,
              et plus particulièrement la nôtre, d’être solidaires.

              Cet enseignement, tiré de ces crises, sera donc également utile pour les réflexions qui ne manqueront pas
              d’être interrogées à l’occasion des 80 ans de la Sécurité sociale en 2025.

              Très bonne lecture.


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