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consigne  poujadiste  de  régler  leurs  impôts
                                                                directs  sur  la  base  de  1953,  afin  de  protester
                                                                contre l’augmentation survenue entre-temps. De
                                                                tels  refus  sont  enregistrés  à  plusieurs  reprises
                                                                dans la deuxième moitié de 1954.

                                                                La  multiplication  des  oppositions  aux  contrôles
                                                                fiscaux  en  1953  et  en  1954  s’inscrit  dans  une
                                                                logique antifiscale. Le préfet du Cantal, dans un
                                                                communiqué  à  la  presse  de  début  mai 1954,
                                                                « affirme qu’aucune entrave à l’activité des fonc-
                                                                tionnaires  n’est  acceptable,  même  pour  faire
                                                                connaître ses doléances. L’usage de la force est
                                                                condamnable,  même  en  tant  qu’expression
                                                                d’une situation difficile. Ainsi l’action poujadiste
                                                                se trouve, à l’initiative de l’État, placée dans un
                                                                cadre judiciaire qui aboutit à la condamnation de
                                                                nombre de militants. Le 3 novembre 1954, un in-
                                                                cident  déclenché  par  l’UDCA  lors  d’une  vente
                                                                après saisie à Clermont-Ferrand engendre des
                                                                heurts entre manifestants et forces de police. Un
                                                                militant est condamné par le tribunal correction-
                                                                nel,  le  30 novembre,  à  quinze  jours  de  prison
                                                                pour rébellion et outrages à un commissaire de
                                                                police, un autre à huit jours avec sursis pour ou-
                                                                                           14
                                                                trage à un gardien de la paix.»


                    Source Gallica-BNF (parution janvier 1977)   Au sein du dispositif de répression, l’article 1747
                                                                du  code  général  des  impôts  est  ainsi  rédigé :
              L’action poujadiste revêt deux dimensions : « la   « Quiconque, par voies de fait, menaces ou ma-
              participation aux réunions,  d’une part, l’opposi-  nœuvres  concertées,  aura  organisé  ou  tenté
              tion  aux  contrôles  fiscaux  et  aux  ventes  après   d’organiser le refus collectif de l’impôt, sera puni
              saisies, d’autre part. Les réunions ont par ailleurs   des  peines  prévues  à  l’article  1er  de  la  loi  du
              une fonction fondamentale au sein de la pratique   18 août 1936 réprimant les atteintes au crédit de
              poujadiste :  elles  sont  d’abord  l’occasion  d’une   la  nation.  Sera  puni  d’une  amende  de  6 000 à
              mobilisation identitaire des adhérents, elles per-  120 000 francs et d’un emprisonnement d’un à
              mettent également la structuration administrative   six mois quiconque aura incité le public à refuser
              du mouvement, enfin, elles orientent l’activité en   ou  à  retarder  le  paiement  de  l’impôt. »  Ainsi,
              faisant le bilan des actions passées et en prépa-  l’État se trouve doté de moyens dissuasifs pour
              rant les prochaines. »  Si la réunion est le vec-  mettre fin à l’opposition à contrôle fiscal.
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              teur  déterminant  dans  la  diffusion  du  mouve-
              ment, l’opposition à contrôle fiscal reste l’action   Du reste, « le 24 janvier 1955 a lieu un vaste ras-
              la plus spécifiquement poujadiste. Elle revêt di-  semblement à Paris, tandis que de nombreuses
              verses formes, qui expriment la lutte des militants   manifestations  se  déroulent  dans  les  départe-
                                                                       15
              contre l’administration fiscale.                  ments »  :  2 500  personnes  sont  réunies  à
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              À ce titre, les premières formes de résistance à
              l’impôt sont mises en œuvre en 1954. En août, le   La consigne de ne pas payer les patentes cons-
              préfet du Cantal reçoit des demandes d’annula-    titue cependant la deuxième forme importante de
              tion des majorations d’impôt de la part de com-   grève de l’impôt à grande échelle mise en place
              merçants  et  artisans,  suivant  les  consignes  de   par l’UDCA en 1955. Pierre Poujade aurait tenu
              l’UDCA :  « Je  demande  aux  pouvoirs  publics   les  propos  suivants  à  la  fin  du  rassemblement
              d’annuler  purement  et  simplement  l’augmenta-  d’Arcachon, le 7 août 1955 : « Les responsables
              tion de ma patente, de ma mobilière et du fon-    communaux  et  régionaux  reçoivent  cet  ordre :
              cier. » Dans son rapport au ministre de l’Intérieur   ramasser  les  patentes  et  les  porter  le  plus  tôt
              du 18 octobre 1954, le préfet de l’Hérault signale   possible au préfet. Il en fera des confettis… ou
              que 6 000 imprimés lui ont été adressés, signés   ce  qu’il  voudra…  Tout  le  monde  verra  que
              par des commerçants et artisans souscrivant à la


              13  SOUILLAC (R.). op.cit.  p. 29-67.
              14  SOUILLAC (R.), idem
              15  Ibid.


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