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Avant-propos de Pierre Pétigny

                        Directeur département Gard de l’URSSAF Languedoc-Roussillon


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                                   Pour  le  lecteur  de  la 2  partie  de l’étude historique  d’Amel Ait-Akli,  je souhaite
                                   confier  quelques  éléments  de  témoignage,  tirés  de  mon  expérience  de  cette
                                   relation conflictuelle avec le CDCA.
                                   Dans les années 90, peu d’agents démissionnaient de la Sécurité Sociale. Ce fut
                                   cependant le cas de mon prédécesseur, viscéralement usé par les menaces du
                                   CDCA dont un groupe était allé jusqu’à mimer sa défenestration. C’est ainsi que
                                   j’ai  intégré  les Assurances  Vieillesse  des Artisans  (AVA)  en  tant  que  Délégué
                                   Départemental  du  Vaucluse  le  1  octobre  1995.  Le  secteur  était  alors  sinistré,
                                                                 er
              avec un taux de recouvrement des cotisations vieillesse atteignant à peine les 50 %.
              Je retiens de cette époque, encore vierge d’internet un mouvement fortement masculinisé, reposant sur
              un relationnel de proximité, de confrontation, en opposition au principe même de Sécurité Sociale. Nous
              l’avons contré par la prise de contact systématique des débiteurs, afin de valoriser la couverture retraite
              et invalidité, en nous appuyant notamment sur les épouses, plus conscientes du besoin de protection
              sociale, et passablement inquiètes quant au recouvrement forcé des dettes sociales.
              Cela n’a pas été sans riposte, mais l’élan du mouvement était déjà enrayé, et l’assassinat de Christian
              Poucet en 2001 a fini de l’achever.
              Bien évidemment, des résurgences contestataires sont apparues ensuite mais sans jamais atteindre la
              notoriété du CDCA.
              L’idéologie du Mouvement pour la Liberté de la Protection Sociale s’inscrit en droite ligne du CDCA. Outre
              l’engagement de contentieux déjà traités et perdus d’avance, son activité principale consistait à tenir des
              réunions publiques payantes et sans doute lucratives. Pour autant son dirigeant a échoué à imposer son
              leadership comme à regrouper significativement les travailleurs Indépendants.

              La volonté des Pouvoirs Publics de ne pas laisser la situation s’enkyster et le coût des sanctions pour
              recours abusif ont eu raison de l’audience du mouvement. On peut penser que la création du régime de
              la micro-entreprise, et l’émergence de statuts sociaux permettant de limiter fortement et légalement son
              effort, ont par ailleurs contribué à assécher le terreau des réfractaires.

              Après  2010,  dans  le  contexte  du  RSI  et  des  communications  facilitées  par  réseaux  sociaux  vint  une
              nouvelle forme de contestation, avec des collectifs tels que Sauvons Nos Entreprises, les Pendus, les
              Citrons Pressés. Son terrain se déplaçait alors de la rue vers le nuage des groupes de réseaux sociaux,
              la virulence des posts remplaçant celle des manifestations, sans toutefois les supprimer totalement.
              On peut en déduire que la mobilisation virtuelle n’est un fait social que dans la mesure où elle trouve sa
              caisse  de  résonance  médiatique,  laquelle  s’est  avérée  éphémère.  Force  est  de  constater  que  cette
              contestation a perdu de sa virulence aujourd’hui.
              Faut-il y voir le triomphe du principe d’une Sécurité Sociale étendue et acceptée par tous ou l’effet d’une
              sorte d’atténuation des antagonismes culturels entre groupes sociaux du fait de leur partielle dilution ?
              Alors qu’un salarié ou un retraité au prix de quelques démarches simples peut être aussi un entrepreneur,
              que chacun par ailleurs est devenu acteur de l’économie numérique, les valeurs d’autonomie, de liberté
              d’entreprendre ne s’opposent plus frontalement à la recherche de couverture et aux besoins de protection.

              Avec la deuxième partie de son étude, Amel Ait Akli décrit et documente les différentes formes de remise
              en cause de la couverture de Sécurité Sociale au sein de la catégorie des Travailleurs Indépendants de la
              crise de la cinquantaine à une certaine forme de sérénité de l’octogénaire.
              Cette  forme  d’affrontement  social,  qui,  pour  une  part,  est  la  résurgence  moderne  des  jacqueries
              médiévales, traduit aussi les soubresauts d’un monde économique qui change.  Elle a accompagné toute
              l’histoire contemporaine du droit de la Sécurité Sociale des Indépendants, dans les phases de sa mise en
              place,  de  son  extension  et  de  sa  rationalisation.  Elle  méritait  d’être  retracée  et  documentée.  C’est
              aujourd’hui chose faite. Je veux souligner l’intérêt d’avoir documenté ces périodes en exploitant, tant que
              nous pouvons le faire, des matériaux directs, comme des témoignages des acteurs.
              Très bonne lecture.



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