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ANNEXES
I À propos des foules liberté. « Le planisme centralisé signifie que c’est la
communauté qui doit résoudre le problème écono-
La seule nécessité sociologique des corps intermé- mique à la place de l’individu » (p. 99). Admettre le pla-
diaire est de nature à nous rassurer sur la qualité men- nisme, c’est, en raison de la connexion de toutes les
tale de leurs manifestations. La foule n’est pas un relations économiques, faire passer sous l’autorité de
substrat sociologique soudainement auto-constitué. contrôle la sphère la plus privée de nos existences. Le
Tout ce qui s’assemble dans une foule vient d’autres contrôle des prix confère à ses détenteurs un pouvoir
groupes sociaux. Par elle-même, la foule présente un exorbitant, totalitaire. Il faut donc sanctuariser la liberté
degré d’existence volatil, est composée d’individus des prix, la poser comme garantie suprême de toutes
« décloisonnés », socialement formés, momentané- les libertés. L’économie ne saurait souffrir aucun inter-
ment détachés des groupes sociaux auxquels ils ap- ventionnisme politique. « L’accusation commune des
partiennent où ils ont puisé les motifs de leur nazis et des socialistes contre la séparation artificielle
démarche, motifs qui ne seront pas épuisés par la de l’économie et de la politique montre d’une façon
manifestation et qui lui survivront. La manifestation significative la différence entre les deux systèmes libé-
s’inscrit comme un phénomène intercalaire dans une ral et totalitaire de même que l’exigence de domination
trame sociale permanente qui lui donne son sens. de l’économie par la politique » (p. 116).
Réduire les manifestations aux pulsions inférieures, Peut-on imposer à l’économie des règles extérieures
c’est opérer un déplacement arbitraire et nier toute de justice ? La justice distributive pourrait se fonder
continuité entre les émotions et la sphère rationnelle. sur l’égalité, « égalité complète et absolue de tous les
Les émotions laissent transparaître le motif qui les individus dans toute circonstance humainement con-
fonde. L’argument de la foule irrationnelle appartient à trôlable ». Le planisme ne peut qu’imposer des prin-
un arsenal idéologique et fait système avec la cipes communs portant sur des valeurs essentielles,
primauté absolue de l’individu sur le collectif. principes qui lèsent notre liberté spirituelle. Enfin le
planisme, incapable de coller à la réalité, contraint à la
II L’individu néolibéral falsification et au mensonge, à la soumission à des fic-
tions, la Nation, la Classe, la Race. Enfin, Hayek dé-
Friedrich Hayek : la transcendance de l’individu cline son credo individualiste : « Nous devons mainte-
nant rappeler le point crucial de notre exposé : la
En 1944, paraissait à Londres un livre politique écrit liberté individuelle est incompatible avec la suprématie
par un économiste et devenait le bréviaire des libéraux d’un but unique auquel toute la société est soumise en
face à la social-démocratie et au keynésianisme. The permanence » (p. 219).
Road to Serfdom (Les routes de la servitude) 142 de
Friedrich A Hayek (1899-1992). L’auteur entendait tirer Ludwig von Mises : la transcendance du marché
les leçons des régimes totalitaires. C’était un
pamphlet-manifeste contre l’État-Providence et la Ludwig von Mises (1881-1973) a publié en 1949
mise en place du Plan de William Beveridge. La social- Human action traduit en français en 1985, sous le titre
démocratie est le cheval de Troie du communisme. La L’action humaine. 143 L’auteur pose le principe de la
socialisation de l’économie qui guette l’Angleterre rationalité du libéralisme et de sa confiance dans la
entraîne la perte des libertés individuelles. En quoi raison humaine. L’économie de marché est consubs-
consiste le libéralisme ? « Respecter l’individu en tant tantielle de la nation américaine et de sa culture. Ce
que tel, reconnaître que ses opinions et ses goûts système est piloté par le marché « qui oriente l’individu
n’appartiennent qu’à lui, dans sa sphère, si étroitement dans les voies où il sert le mieux les besoins de ses
qu’elle soit circonscrite, c’est croire qu’il est désirable semblables ». L’État n’intervient pas dans le fonction-
que les hommes cultivent leurs dons et leurs talents nement du marché sinon pour le garantir et le protéger
individuels. » contre toute atteinte qui fausserait sa bonne marche.
Cet individu a été façonné par la culture de la Renais- L’économie de marché implique la libre coopération de
sance, avant elle par le christianisme et l’antiquité tous. Le marché est souverain ; il préside au système
gréco-romaine. Montaigne, Érasme, Cicéron sont ses social auquel il donne sens et signification.
ancêtres. La voie de la liberté est celle d’une émanci- Le marché n’est pas un bien ni une chose mais un
pation continue de toutes les entraves. La liberté est à processus dynamisé par le jeu combiné des individus
elle-même sa fin parce qu’elle permet de réaliser coopérant en division du travail. Les seules forces qui
toutes les autres fins. s’exercent sur le marché sont les jugements de valeur
La liberté passe par une libération des énergies, des qui s’expriment dans les transactions des individus.
initiatives individuelles comprimées par les systèmes « Le marché est le point focal vers lequel convergent
de pensée et les systèmes politiques de Bismarck à toutes les activités des individus. Il est le centre d’où
Hitler. Le socialisme comporte des idées funestes à la rayonnent leurs activités. »
142 Friedrich Hayek, Les routes de la servitude , traduit par G. Blumberg, PUF,1985.
143 L’Action humaine , traduit de l’américain par Raoul Audouin, PUF, 1985.
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