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À l’ombre du noble pessimiste d’apparat, loin du   perpétuelle.  La  démocratie  est  vouée  à  la
              péplum des spéculations, s’agite un Le Bon mes-   gabegie  budgétaire 127 ,  à  la  bureaucratie  à  une
              quin, rancunier, qui est plein de remarques acri-  production illimitée de lois et règlements asser-
              monieuses, féru de détails fielleux, atrabilaire et   vissants qui réduisent les citoyens, vidés de toute
              réactionnaire.  Sous  la  forme  dogmatique  de   énergie  et  spontanéité,  à  l’état  d’« automates
              l’oracle contemplant de très haut le monde sublu-  passifs,  sans  volonté,  sans  résistance  et  sans
              naire, une fois pillés Taine, Tarde, Sighele qu’il   force » (p. 176). Les sources de Le Bon, dont il
              rejette dans les marges étroites d’un savoir spé-  se  réclame,  sont  Paul  Leroy-Beaulieu  (1843-
              cialisé, Le Bon pressure le même matériau selon   1916), économiste, chef de file de l’école libérale
              les mêmes préjugés, en extrait le même réper-     « dure », et Herbert Spencer (1820-1903), évolu-
              toire d’idées : 1) principe de la supériorité de l’in-  tionniste,  leader  britannique  de  l’individualisme
              dividu sur la foule, 2) le corollaire de cet axiome   politique  et  du  libéralisme  économique,  auteur
              est  celui  de  l’infériorité  et  de  la  minorité  des   d’un ouvrage de référence, The Man versus the
              foules (indifférenciées) incluant le corps électoral   State 128  (1884).
              fondé sur le suffrage universel, les corps consti-
              tués élus, et toute forme de représentation éma-  Le Bon est contemporain du choc de deux inter-
              née  de  l’élection ;  3)  les  institutions  démocra-  rogations  majeures :  la  question  sociale  et  le
              tiques  viciées  dans  leur  principe :  l’instruction   problème de l’État, dont les conceptions antago-
              publique, la fiscalité, la justice, 4) les corps inter-  nistes alimentent la polémique entre libéraux et
              médiaires :  mutuelles,  syndicats  5)  les  lois   socialistes.
              sociales dont la loi sur les retraites ouvrières et   L’année 1895, date de parution de son ouvrage,
              paysannes.                                        émerge  un  nouveau  concept :  le  solidarisme,
              Par définition la démocratie est d’essence tyran-  réfutation théorique et pratique des théories de la
              nique et fait prévaloir l’égalité aux dépens de la   lutte pour la vie, de l’individualisme politique, du
              liberté. Elle est régie par une caste despotique   libéralisme  économique  que  Célestin  Bouglé 129
              de fonctionnaires, irresponsable, impersonnelle,   désigne par l’oxymore « socialisme libéral ».















































              127  Le Bon n’hésite pas à critiquer la création de la ligne de chemins de fer Le Puy-Langogne !
              128  Traduction française chez Alcan, 1885 sous le titre : L’Homme contre l’État .
              129  Célestin Bouglé, Le Solidarisme, Paris, V. Giard et E. Brière, 1907.


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