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Toutefois, ce ne sont pas les seules professions que les femmes sont appelées à exercer. Au
sein du monde agricole, elles ont toujours eu un rôle important. Le poids des activités domestiques les
empêchait de s’y consacrer pleinement. Or, une invention va bouleverser la vie des femmes. Il s’agit de
l’invention de la machine à laver le linge qui va équiper les foyers ruraux. Auparavant, dans les cam-
pagnes, les femmes devaient mener à bien trois étapes, qui pouvaient aller jusqu’à trois jours, afin que
le linge soit propre .
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La caisse de Mutualité Agricole du Gers prend rapidement l’initiative de l’équipement de machines
à laver dans les foyers agricoles du département. Le conseil d’administration du 11 mars 1950 entérine
l’idée suivant laquelle « dans le but de faciliter le travail de la femme à la campagne, [il] décide de finan-
cer l’achat d’une machine à laver par le Service Social Rural au titre des œuvres sociales » .
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Mais, il souhaite tout d’abord expérimenter cette mesure. C’est pourquoi il confie à Dat et au direc-
teur Mesplé-Lassalle « le soin de procéder à cette réalisation et aux essais autant que possible dans
une localité rurale ». La commune de Berdoues est retenue. Les résultats de cette expérimentation n’ont
pas été trouvés, mais il semble que le conseil d’administration n’ait pas renouvelé cette mesure. En effet,
aucun des procès-verbaux ne mentionne dans ses comptes une quelconque subvention.
Si la mesure ne trouve pas de réalisation concrète, son idée même démontre l’importance accordée au
travail de la femme sur l’exploitation agricole de son mari. En mettant l’accent sur la volonté de subventionner
l’achat de machines à laver le linge, la Mutualité Agricole gersoise s’inscrit dans ce courant de pensée des
années 1950 qui veut que « la liberté [soit] un privilège mais aussi un pesant devoir […]. En somme, dans ce
grand flux […], elle [la femme] est désormais un sujet, et non un objet de la communauté dans laquelle elle
vit » . Cela démontre donc que, pour assurer la liberté de la femme, celle-ci doit travailler.
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Toutefois, la Mutualité Agricole n’est peut-être pas préoccupée uniquement par la liberté de la
femme. Cette subvention a une visée pratique : augmenter la production agricole. Les années d’après-
guerre sont marquées par le rationnement des denrées alimentaires. Les tickets de rationnement ne
disparaîtront que le 1 décembre 1949. Ils ne concernaient plus que l’essence, le café et le sucre. Cela
er
montre bien que la production reprend. Elle repart aussi vite dans l’agriculture comme le graphique sui-
vant le démontre. La hausse est de 50% entre 1949 et 1960. :
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120 Les trois étapes sont les suivantes : en premier lieu, il faut plonger les vêtements dans des bacs en bois pour réaliser le
premier décrassage. En deuxième lieu, le linge doit être lessivé dans ces mêmes bacs ou dans d’autres. Ici, la femme pra-
tique la technique dite du « coulage » : elle coule de l’eau bouillante sur de la cendre disposée sur le linge. En troisième
lieu, la femme se rend au lavoir afin de rincer le linge. Il est important de noter que le lessivage pouvait se faire au lavoir si
celui-ci disposait des cendres.
121 PV CA de la C.A.D.A.F., 11 mars 1950.
122 PICCONE STELLA (Simonetta), op. cit., p. 261.
123 BOUCARUT (Jean-Michel), MOYNE (Véronique), POLLINA (Lucien), « L’agriculture depuis 1949. Croissance des vo-
lumes, chute des prix », in INSEE PREMIERE, n°430, février 1996, p. 2.
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