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pendant la phase aiguë du choléra contre publiques, de voleurs vivant dans une conti-
40 000 auparavant (près de 7 500 personnes nuelle débauche, et n’ayant d’ordinaire d’autres
ont fui, exportant la maladie hors de Paris). On moyens d’existence que le produit incertain de
dénombre 2 342 personnes atteintes (soit leurs infamies », prédestiné au choléra, exécu-
1/14e) dont 1 033 succombent (soit 32/1000). teur d’une justice immanente : « Le choléra, en
Au total, pour la période du 26 mars au choisissant partout les victimes parmi ceux que
30 septembre 1832, la commission dénombre leur immoralité autant que leur misère, porte à
32 000 décès enregistrés à Paris, dont 18 402 commettre de fréquents attentats contre la so-
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sont imputables au choléra (plus de 57 %). ciété, a dû épurer celle-là » . Vision moraliste et
À la veille de l’épidémie les propositions d’assai- bourgeoise d’un « lumpenprolétariat » auquel,
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nissement s’étaient multipliées. Irréalisables. au contraire, Hugo a conféré un rôle d’acteur
L’hygiène commande la multiplication des historique soulevé contre sa condition et magni-
bornes-fontaines, l’enlèvement des boues, le fié dans sa révolte. Ce sont eux qui ont trans-
pavage et le nettoyage des rues. « Sans la pro- formé les obsèques du général Lamarque, dra-
preté, sans la salubrité publique, il n’y a point peau du libéralisme, en insurrection. Ces gueux,
aussi de santé publique » (p. 203). La santé cette canaille, cette ochlocratie, cette populace,
publique suppose le concours de la population. sont les héros mobilisés par Hugo pour cons-
Or, une partie de la population défie la santé truire la barricade métaphorique de la rue de la
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publique : « Cette partie trop nombreuse de la Chanvrerie lors de l’insurrection de juin 1832, et,
capitale, en tous temps disposée à braver toutes en février 1848, les deux barricades homé-
les défenses, à repousser toutes les exhorta- riques : la Charybde du Faubourg Saint Antoine
tions ; population qui se plaît à ne reconnaître et la Scylla du Faubourg du Temple .
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aucune gêne, aucun frein, aucune loi, et s’ap-
plaudit sous les haillons de son opprobre et de Le choléra est un principe de division sociale, un
ses vices comme on s’honore ailleurs de catalyseur de fractures, propice au soupçon et
sentiments meilleurs et d’une conduite plus au complot. Le bruit courut qu’on voulait empoi-
durable » (p. 204). sonner le peuple. Fable récurrente en temps
Telle est la population des chiffonniers. Lorsque d’épidémie. On agressa des ecclésiastiques,
l’enlèvement des déchets est confié à un nou- des médecins. Des attroupements se formaient
veau concessionnaire (Jacob), l’opération les autour de passants dont il suffisait qu’un geste
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prive de leur matière première. Ils déclenchent parût suspect. Des lynchages furent commis .
une émeute le 1 avril. Pillés, renversés, cassés Magendie témoigne : « Je n’oublierai jamais
er
par les chiffonniers, pendant plusieurs jours les l’impression que j’éprouvai quand, faisant tous
tombereaux de la voirie doivent être escortés mes efforts pour soulager et sauver s’il était pos-
par la troupe. sible, les malheureux qui me furent alors
Telle est la population de la plus basse catégorie confiés, je lus sur leurs visages inquiets, leurs
des garnis observée par Villermé, « un ramas de airs taciturnes et leurs propos sourds, qu’ils me
gens sans aveu, de vagabonds, de femmes soupçonnaient de les empoisonner » .
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20 VILLERMÉ, Note sur les ravages du choléra-morbus dans les maisons garnies de Paris, depuis le 29 mars
jusqu’au 1 août 1832, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, XI, 1834, p. 404.
er
21 Marx partage avec le bourgeois Villermé la même vision du lumpenprolétariat qu’il décrit, dans la société du dix décembre,
voué au service des œuvres crapuleuses de Louis Bonaparte et de son régime :
« À côté de « roués » ruinés aux moyens d’existence douteux et d’origine également douteuse, d’aventuriers et de déchets
corrompus de la bourgeoisie, on y trouvait des vagabonds, des soldats licenciés, des forçats sortis du bagne, des galériens
en rupture de ban, des filous, des charlatans, des lazzaroni, des pickpockets, des escamoteurs, des joueurs, des souteneurs,
des tenanciers de maisons publiques, des portefaix, des écrivassiers, des joueurs d’orgue, des chiffonniers, des
rémouleurs, des rétameurs, des mendiants, bref toute cette masse confuse, décomposée, flottante, que les Français
appellent la bohême. » Le 18 brumaire de Louis Bonaparte , présenté par J.-N. DUCANGE, Le Livre de poche 2007,
p. 94. Dans une perspective marxiste, le lumpenprolétariat marque une limite de l’intégration sociale que les auteurs
réactionnaires interprèteront comme un déterminisme criminogène.
22 Victor HUGO, Les Misérables, 5 partie, livre I, ch. 20, « On leur [aux révolutionnaires] reproche d’élever,
e
d’échafauder et d’entasser contre le fait social régnant un monceau de misères, de douleurs, d’iniquités, de griefs, de
désespoirs, et d’arracher des bas-fonds des blocs de ténèbres pour s’y créneler et y combattre. » Discours d’Enjolras :
« La barricade n’est faite ni de pavés, ni de ferrailles ; elle est faite de deux morceaux : un monceau d’idées, un monceau
de douleurs ».
23 Ibid, ch. 1 : « Et ces mots qui veulent être des injures, gueux, canaille, ochlocratie, populace… », registre lexical utilisé
er
ad nauseam depuis les Lumières et fréquents chez les Philosophes, en particulier Voltaire.
24 Cf Karine SALOMÉ : Le massacre des empoisonneurs à Paris au temps du choléra (1832). Revue historique 2015,
n° 163, pp. 102-124.
25 M-F MAGENDIE, Leçons sur le choléra-morbus faites au Collège de France, Paris, Méquignon-Marvis, 1832, 9e
leçon, p. 239. Voir aussi le témoignage de Brierre-de-Boismont : Relation historique et médicale du choléra-morbus en

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