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Le 7 avril 1832, après une visite à l’Hôtel-Dieu
où il avait accompagné le duc d’Orléans, le pré-
sident du Conseil Casimir-Périer est touché.
Choc : la barrière de classe est franchie ! La
maladie de Casimir-Périer illustre la confusion
médicale régnante. On appelle à son chevet
Broussais, figure dominante et dominatrice de la
médecine officielle qui ajoute à son prestige
médical une aura libérale qui consomme sa
gloire. Il est secondé par son fils, Casimir. Le
principe médical de Broussais explique tout et
partout : l’irritabilité, l’irritation des tissus, l’irrita-
tion de l’épigastre. Un seul remède : la saignée,
les sangsues, et combattre la fièvre des tissus
par le froid. L’état de Casimir-Périer empire. Il
délire. On appelle Esquirol. Le conflit médical est
inévitable. Face à la coalition broussaisienne,
Esquirol se retire. Casimir-Périer meurt le
16 mai, à l’acmé de l’épidémie.
La politique sanitaire de la France est la cible
des libéraux systématiquement anticontagio-
nistes. Dans une brochure qui relève du pam-
phlet plus que de la science médicale, le véné-
réologiste Giraudeau de Saint-Gervais dénonce
un lien intrinsèque, un intérêt commun entre
contagionisme et despotisme ; il cite Jahnichen,
Foy, Brierre, et un remarquable texte de Moreau Source ? https://books.google.fr/
de Jonnès décrivant les effets terrifiants du cho-
léra et ses effets sociaux dévastateurs en Quel bilan tirer des missions médicales dépê-
Orient. « Non, le choléra ne se transmet pas par chées à grands frais sur les sites du choléra,
contact ; tous les gouvernements ont voulu ac- censées contribuer à la prévention et à la santé
créditer l’opinion contraire, la vérité s’est fait jour publique ?
et l’on a connu l’abus des cordons sanitaires, le
danger de la séquestration, des lazarets etc., car 8. Essai de bilan des missions médicales.
quand on isole les individus on les dévoue à la
mort ». Et il conclut : « Nous sommes menacés Les rapports, relations, lettres, suscités par l’ob-
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d’une invasion de rois et de choléra » . servation in situ du choléra sont si nombreux et
Le docteur F. Delarue, confrère de Giraudeau, si stéréotypés qu’ils peuvent constituer un genre
lance à son tour un brûlot sous-titré Appel à la littéraire spécifique. Leur charme vient de la
Chambre des Députés, où il dénonce une poli- diversité des tons et de l’élégance de la forme.
tique de la peur et, sous couvert de mesures Leurs auteurs, généralement mondains ou
sanitaires, des manœuvres coercitives. hommes de cour, académiciens ou professeurs
Le contagionisme est l’alibi et l’allié objectif du en vue, se plaisent en la compagnie de l’élite
despotisme : sociale russe ou polonaise. La courtoisie confra-
« Vous ne l’ignorez pas, vous gouvernants, que ternelle, la déférence aux grands et aux savants
la peur n’est pas la fille de la liberté ; et vous imprègnent parfois leurs pages d’une onction
avez intérêt de la voir rentrer dans le néant d’où consensuelle, peu propice à l’esprit critique,
elle était sortie en juillet 1830. En cela vous êtes d’une étiquette et d’une politesse qui comportent
puissamment secondés par les circonstances pour nous un parfum d’étrangeté. Sous le
qui semblent plaider pour votre cause aux yeux réseau mondain il apparaît toutefois qu’un
de la multitude ignorante que vous épouvantez réseau intellectuel européen circule malgré les
à dessein […] Pendant ce temps, vous laissez péripéties politiques. Ces missions médicales
massacrer nos frères de Pologne par le glaive inaugurent une coopération internationale que la
de barbares obéissant aux ordres du despo- lutte contre la pandémie rend inévitable. Ne sont
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tisme » . pas moins remarquables les publications en
Pologne, op. cit. p. 181 : « A-t-on oublié les atrocités commises par les paysans de Hongrie et d’autres pays sur les
médecins ? Quelles raisons donnait-on de ces fureurs ? Que les médecins étaient chargés de les empoisonner. Pourquoi ?
Parce qu’ils s’apercevaient que la mortalité était beaucoup plus élevée chez eux que dans la classe aisée. ».
26 Jean GIRAUDEAU DE SAINT-GERVAIS, Choléra-morbus, chez l’Auteur, rue Richer, Paris 1831, p. 31.
27 F. DELARUE, De la peur et de la folie des gouvernements d’Europe au sujet du choléra, Paris, Delaunay, 1831,
p. 10.
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