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La Constitution doit reposer, selon Cabanis, sur et la nomination à vie des membres du Sénat
une séparation stricte des pouvoirs, et un sys- conservateur. Mais il commente cette « fin » de
tème purement représentatif. Construit par la la Révolution qui ressemble au dénouement de
raison, qui est elle-même le guide de la vertu et la crise de la maladie. La santé ne sera réelle-
la source du bonheur, - tous ces termes étant ment recouvrée que lorsque toutes les traces
convertibles - l’État-artefact consiste à perfec- seront effacées.
tionner la nature, éliminant ce qu’elle laisse
subsister de vicieux. Les mesures justes et poli- Les principes de Cabanis inspirent son action
tiques visent à corriger les inégalités artificielles, sociale comme rapporteur de la commission des
à ne laisser subsister que les inégalités natu- hôpitaux. L’aumône est un crime public qui sa-
relles. La Constitution de l’an III prévoit ses tisfait celui qui donne, dégrade celui qui reçoit,
marges de perfectibilité : « Si l’expérience faisait l’entretenant dans sa paresse, mère de tous les
sentir les inconvénients de quelques articles de vices. La mendicité est la plus redoutable des
la Constitution, le Conseil des Anciens en propo- maladies qui ruinent l’État moderne. Les se-
serait la révision » (art. 336). Elle est animée par cours, dont la convention de l’an I avait fait une
l’esprit de géométrie : elle institue l’unicité de « dette sacrée », accroissent le nombre de
poids et de mesures (art. 371) ; fixe le commen- pauvres, encouragent le vagabondage et l’oisi-
cement de l’ère française (art. 372) ; détermine veté. Aux établissements d’accueil, hôpitaux ou
l’assiette de la souveraineté nationale : l’univer- ateliers, Cabanis préfère les secours à domicile
salité des citoyens (art. 17) ainsi que la surface Il juge l’atelier nocif pour l’ouvrier qu’il corrompt
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du territoire (art. 3 à 7) ; arrête l’acquisition de la et la société qu’il menace . Dans les prisons, il
citoyenneté et les capacités électorales : le recommande l’isolement et le travail. Aussi long-
cens (art. 35) ; elle favorise les sciences et les temps que la liberté n’aura pas délivré la société
arts et fonde un « institut national chargé de re- de ses maux, il faudra, pour la tranquillité pu-
cueillir les découvertes, de perfectionner les arts blique, organiser les secours, à condition de dis-
et les sciences » (art. 298). criminer le pauvre valide (le bon pauvre) et le
Cette Constitution consolidait les moi par la li- pauvre invalide qu’on astreindra au travail.
berté (liberté d’expression, protection du domi- La représentation est le système régulateur du
cile, libertés civiles et garanties contre l’abus de corps politique, le peuple. « Il est la source sa-
pouvoir), et la propriété, source de la prospérité crée de tous les pouvoirs, mais il n’en exerce au-
et fondement de l’ordre social. Comme il con- cun […] il prend part à tout par sa surveillance,
vient à une Constitution pensée dans la récipro- mais ses passions ne peuvent jamais être éga-
cité des moi, elle est interactive : son efficacité rées par les agitateurs, et troubler la paix de
relève de tous et de chacun, jusqu’aux pères de l’État : en un mot, il est libre, mais il est
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famille, aux épouses, aux mères, à l’affection calme . » La tranquillité de l’État réalise l’idéal
des jeunes citoyens, au courage de tous les de la santé : « la vie dans le silence des
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Français. Enfin cette Constitution est parfaite organes . »
par deux grands principes démocratiques : la
séparation des pouvoirs et la représentativité. Le statut de la médecine est renouvelé : totali-
sation des sciences de l’homme, elle élargit son
L’excessive séparation de pouvoirs conduisant à champ d’investigation et son champ d’action.
l’impuissance, cette Constitution conduisait au L’Idéologie instaure une révolution de la con-
coup d’État des 18 et 19 brumaire et à la Cons- naissance et de la méthode. La langue française
titution du 22 frimaire an VIII (13 décembre est une langue bien faite par sa précision et l’en-
1799) : une organisation des pouvoirs publics chaînement des idées qu’elle favorise. Le rang
pure et dure, froidement fonctionnelle, prête à intellectuel de la France a été conforté par l’effet
l’action. La Proclamation des Consuls qui la de la plus étonnante commotion dont elle ait
soumettait aux suffrages des Français, se con- gardé le souvenir : indépendance des idées,
cluait en ces termes : « Citoyens, la Révolution hardiesse des examens, la voie est ouverte à
est fixée aux principes qui l’ont commencée : l’esprit de libre recherche scientifique. La méde-
elle est finie ». Dans ses Considérations, cine s’arrache aux cadres anciens, qu’il s’agisse
Cabanis approuve la nouvelle Constitution, et des corporations ou des pratiques médicinales,
formule ses objections dans une note addition- récuse l’empirisme, la superstition et le charlata-
nelle où il redoute « la force immense donnée au nisme. Elle se veut science objective, ne dépen-
pouvoir exécutif », regrette la compétence légi- dant que de ses propres conditions d’observa-
slative du conseil d’État aux dépens du Tribunat tion, et déjà, science expérimentale.
38 Philippe PINEL, Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ou la manie, Paris, Richard, Caille et
Ravier, an IX (1801).
39 P-J-G CABANIS, Quelques considérations…, op. cit., p 36.
40 Formule du professeur René Leriche, commentée par G. CANGUILHEM, La santé concept vulgaire et conception
philosophique, in Écrits sur la médecine, Seuil, 2011 pp. 49-68.
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