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son succès : le docteur Robert le jeune propose corporation, même celles qui vouées à l’ensei-
un programme eugéniste, la Mégalanthropogé- gnement, ont bien mérité de la patrie. » Étaient
nésie ou l’art d’engendrer et de perpétuer la race visées les congrégations enseignantes et hospi-
des Grands Hommes (1801) en sélectionnant talières ainsi que toute association de piété et de
les plus doués des filles et des garçons, élevés charité. La direction des établissements était
dans des institutions d’élite (les Athénées), placée sous la surveillance des corps munici-
voués à la reproduction. « Le système de la paux « jusqu’à l’organisation définitive que le
Mégalanthropogénésie une fois reconnu vrai, il comité des secours présentera à l’assemblée
suffit pour qu’on l’adopte, que le gouvernement nationale ». Les personnels ci-devant religieux,
invite tous les hommes d’un talent supérieur, à désormais placés sous l’autorité des munici-
n’épouser que des femmes dont l’esprit sera palités, pourront continuer leur service à titre
cultivé, leur promettant une éducation nationale individuel, mais les costumes religieux « doivent
et gratuite pour leurs enfants. » Le gouver- disparaître à jamais ». Un droit inconditionnel
nement désignerait les pensionnaires des Athé- est reconnu à la libre entreprise. Seul le mono-
nées sur un rapport motivé du ministre de pole est illégal. La médecine n’échappe pas à
l’intérieur. La fabrique de l’humain stimule l’ima- cette dérèglementation générale. Elle a mau-
gination médicale. On publie sur la callipédie ou vaise presse, et les hôpitaux ne valent pas
l’art d’engendrer de beaux enfants ; ou sur la mieux, dans l’opinion, que les prisons.
gonocratie ou l’art d’engendrer des garçons ou
des filles à volonté. Que sont alors les hôpitaux ? « Des bastilles des
À la même époque, en Autriche, le docteur pauvres », « des tombeaux d’humanité », « des
Johan Peter Frank (1745-1821) - inspirateur mouroirs odieux », « des repaires de l’op-
d’Alexis Carrel -, fondait scientifiquement une pression cléricale ». On redoute la « fièvre des
proto-hygiène et un proto-eugénisme concou- hôpitaux », l’entassement confus des malades
rant à l’amélioration physique et mentale de la et des misérables, leur production miasmatique
race humaine et à la réduction de la pathogé- et méphitique, la « pourriture d’hôpital », la con-
nèse. Un tel programme impliquait l’intervention tagion. La vocation de l’hôpital est vague : lieu
de l’État comptable de la santé publique et de soins, d’hébergement, de réclusion. L’hôpital
investi d’un devoir de police sanitaire visant à apparaît comme une machine dangereuse, un
séparer les parties saines de la population des terminus redouté. Fallait-il rénover ce système
parties malsaines. ou lui préférer une médicalisation à visage
humain ? « La déshospitalisation de la maladie
Pour les Révolutionnaires, la division entre sain et de l’accident paraît alors un courant impé-
et malsain était politique. L’Ancien Régime et tueux » (J. Léonard). La Constituante opte pour
ses multiples adhérences étaient malsains et les secours à domicile avant que l’Assemblée
contagieux. L’hôpital, symbole de la charité dis- législative ne transforme le patrimoine hospi-
pensée par le despotisme, était un haut-lieu de talier et les biens ecclésiastiques en établisse-
confusion entre l’indigent à nourrir et le malade ments sanitaires et sociaux sous administration
à soigner. Assainir consistait à trier le malade et municipale.
l’indigent. A la veille de la Révolution, la pratique hospita-
lière est devenue un nœud de problématiques
D. L’HÔPITAL MALADE DE LA qui voit s’affronter les partisans de la « domici-
liation » et les réformateurs du système exis-
CHARITÉ tant : accueil des pauvres, soins aux malades,
formation des médecins, dans le cadre des
La loi d’Allarde (mars 1791) libéralisait la totalité hôpitaux généraux ou modèle concurrent du
des professions sans contrepartie, et la loi Le maintien à domicile dénommé « domiciliation. »
Chapelier du 14 juin suivant prohibait comme Les conditions d’hébergement et l’inefficacité
attentatoire à la sûreté de l’État la défense de médicale avaient généré un courant anti médici-
« prétendus intérêts communs par des citoyens nal dont Rousseau était la référence, qui avait
d’un même état ou d’une même profession ». Le ses partisans parmi les médecins eux-mêmes,
principe d’« anéantissement de toute espèce de comme le montre le cas de Lanthenas. Natura
corporation » était proclamé principe fondamen- medicatrix. Retour à la nature. La médecine
tal de la République et devait geler le droit « est un art mensonger ». Il faut chercher les
d’association jusqu’en 1884. En interdisant les causes des maladies dans les maux que les
congrégations hospitalières, la loi du18 août hommes s’infligent à eux-mêmes dans les socié-
1792 portait le coup de grâce à ce qui subsistait tés qu’ils forment ; la médecine est un art aussi
de médecine organisée. L’exposé des motifs artificiel que les maladies qu’elle prétend guérir.
rappelait le principe républicain : « Un État vrai- L’auteur d’Émile préfère, faute de savoir se
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ment libre ne doit souffrir en son sein aucune guérir « que l’enfant sache être malade : cet art
41 Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l’éducation, L 1, 1762
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