Page 10 - Lettre d'info n 30l
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d’inquiétudes, le président Desconets fait part pourraient nuire à la pérennité de l’agriculture
de son scepticisme quant aux évolutions légales locale. Dans le rapport moral de 1965, l’Assem-
récentes : blée Générale fait part de son inquiétude face à
« Lentement, les arrêtés et les circulaires une politique nationale qui pourrait tendre à une
d’applications sont venus donner des direc- « standardisation industrielle ». Il n’est alors
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tives diverses ; aussi, les années 1947 – plus question, comme dans l’immédiate Après-
1948 ont-elles des modifications souvent Guerre, d’une politique pas adaptée aux Hautes-
surprenantes, rarement à la portée du bon Pyrénées, mais d’une politique pouvant nuire
sens paysan, mais toujours imposé par une aux pratiques agricoles traditionnelles. Pour
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législation mouvante ». l’Assemblée Générale, le soutien des agricul-
teurs constant à la Caisse des Hautes-Pyrénées
L’emploi de l’expression « bon sens paysan » traduit à la fois la réussite de la Caisse et le refus
n’est pas anodin, elle traduit l’idée d’une décon- des adhérents de la « standardisation » :
nexion de l’État de la réalité quotidienne du « Cet attachement affectueux a une raison
monde agricole. Pour le président Desconets, impérieuse d’exister. Il signifie que les agri-
ces textes sont plutôt orientés pour des culteurs veulent garder leur Mutualité et
« régions de grosses structures à salariat impor- personnaliser son autonomie en raison du
tant », là où le département est plutôt composé fait qu’elle vient au secours des agriculteurs
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d’une galaxie de petites exploitations familiales. et que les régimes des exploitations sont
Aussi, ce dernier relève la difficulté pour la des cas d’espèce ne pouvant supporter ni
Caisse de s’adapter : respecter les bornes subir le standing de l’usine.
légales tout en adaptant les lois à la réalité - la sagacité de nos exploitations,
locale. Pour autant, ces difficultés ne sont pas - la position topographique des exploita-
une fatalité pour le président qui rappelle que, tions,
face à une situation en 1945 qui aurait pu s’avé- - les qualités de ces exploitations n’étant
rer dangereuse pour la survie de la Caisse jamais les mêmes,
départementale et pour le monde agricole dans - les intempéries et les calamités qui dérè-
les Hautes-Pyrénées, le conseil d’administration glent l’activité,
a su s’adapter et maintenir « ses entreprises à - la maladie des chefs d’exploitation qui
la mesure même des possibilités ». Afin de pou- crée des coupures graves,
voir continuer à œuvrer en faveur des agricul- - les incendies d’élevages qui contrarient
teurs locaux, l’Assemblée Générale émet le vœu les recettes,
que les élections, dans le cadre prévu par la loi sont autant de raisons majeures empêchant
du 8 juin 1949, aient lieu « le plus rapidement la mise en place de la standardisation indus-
possible » afin que les électeurs puissent voter trielle ».
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en pleine conscience sans le « risque d’être L’Assemblée Générale réagit ainsi à des préoc-
influencé par diverses interventions venues des cupations qui affectent le pays à une échelle
départements voisins ». L’Assemblée est com- nationale et locale. Dans les années 1960, la
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blée puisque, lors de l’Assemblée Générale du France est en pleine période d’exode rural . Les
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9 mars 1950, le président Desconets est élu . campagnes se dépeuplent progressivement au
La Caisse des Hautes-Pyrénées assied son profit des villes. La crainte des administrateurs
autonomie. Toutefois, elle reste méfiante vis-à- est alors que ce phénomène continue – ou, pire,
vis d’adversaires qui pourraient menacer le s’accentue – et que seules les grosses exploita-
mode de fonctionnement agricole du départe- tions – qui ne correspondent pas à la pratique
ment. agricole des Hautes-Pyrénées – puissent sur-
vivre à ces changements. Alors, comment lutter
b) Les méfiances face à un déracinement contre ce mouvement ? La solution proposée
est la participation des agriculteurs aux réu-
La crainte d’une renaissance de la Caisse nions d’information . C’est en informant les
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régionale des Pays de l’Adour englobante écar- agriculteurs des actions que réalise la Mutualité
tée, la Caisse des Hautes-Pyrénées s’inquiète en leur faveur qu’ils pourront en saisir toute la
ultérieurement de potentiels adversaires qui nécessité et qu’ils la soutiendront. Le Rapport
61 P. V. de l’Assemblée Générale du 26 octobre 1949.
62 Ibid pour cette citation et les deux suivantes.
63 On retrouve ici la méfiance vis-à-vis des Caisses des départements limitrophes déjà exprimée en 1948 ; in Ibid.
64 P. V. de l’Assemblée Générale du 9 mars 1950.
65 Rapport moral de l’Assemblée Générale du 20 novembre 1965.
66 Ibid.
67 Jean-Claude BONTRON, « La dimension statistique de la ruralité. Une manière de lire les représentations
et les évolutions du rural », in Pour, 2015/4, n° 228, p. 57 à 67.
68 Rapport moral de l’Assemblée Générale du 20 novembre 1965.
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