Page 11 - Lettre d'info n 30l
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moral note que la Mutualité joue un rôle, dans Dans les craintes exprimées par la Caisse, les
cette période, de palliatif aux problèmes écono- nouvelles technologies agricoles occupent une
miques rencontrés par les agriculteurs, en parti- place importante. Pour les administrateurs, cette
culier ceux concernant la dévalorisation des prix situation amène les agriculteurs à entrer dans
agricoles. Le souci de rentabilité de l’ « usine » une course à la technologie et à la survie. S’ils
n’est donc, pour les administrateurs, qu’un veulent être rentables, ils doivent se procurer du
moyen de chercher la rentabilisation du monde matériel de pointe et donc contracter des crédits.
agricole, quitte à en détruire le visage actuel : Les administrateurs semblent particulièrement
« Les technocrates provoquent l’exode inquiets des avancées technologiques produites
rural, c’est-à-dire l’abandon des petites par les « bureaux de recherches » qui, au lieu
exploitations. Cette opération est basée sur de servir l’agriculture, viennent à la concurren-
le fait que ces exploitations ne sont plus ren- cer. La Caisse dénonce les bureaux de
tables parce que trop petites. Je me recherches américains qui produisent un lait
demande si les grandes exploitations ne artificiel « 30 % moins cher que le lait naturel »
seront pas un jour jugées trop petites, à leur ou qui fabriquent des « beefsteaks à partir des
tour, parce que non rentables en raison de protéines des graines de soja ». Avec ces tech-
la défaillance économique. À ce moment, les nologies, c’est la peur de l’avènement de l’« ère
mêmes technocrates auront l’hypocrisie de de l’alimentation synthétique » qui inquiète les
venir dire aux agriculteurs qu’ils sont incom- administrateurs. À cela, l’Assemblée en appelle
pétents pour gérer leur affaire et qu’ils pren- à des recherches plus raisonnables au service
dront leur exploitation pour la faire reprendre des hommes et du progrès de l’agriculture plutôt
par un consortium ou l’État. Les agriculteurs qu’au progrès du profit.
ne seront plus chefs d’exploitation ; ils La crainte est une nouvelle fois exprimée en
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seront des mercenaires soumis à l’exode 1967 , contre les technocrates et leur modifica-
rural ». tion de la structure agricole, puis elle disparaît
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La crainte d’une destruction, à long terme, de des procès-verbaux. Il ne faut pas pour autant
l’agriculture inquiète les administrateurs de la en conclure que les inquiétudes s’effacent. La
Caisse. La volonté de rentabilité des « techno- crainte d’une disparition des petites exploita-
crates », loin d’apporter une amélioration des tions reste une des préoccupations majeures de
moyens de production agricoles, serait un étouf- la Mutualité des Hautes-Pyrénées.
fement volontaire de la force agricole afin de
servir des intérêts tiers – en l’espèce, les « con- 2. Gérer les enjeux locaux
sortiums » ou l’État.
Cette crainte de l’ « industrialisation » de l’agri-
Alors, que faire ? Les administrateurs proposent culture trouve sa source dans l’observation de la
de limiter au maximum l’exode rural, afin d’éviter situation du monde rural dans le département.
que ne se réalisent leurs inquiétudes, un futur où La défense des intérêts locaux, que revendique
« les tracteurs écraseront les hommes et leur la Caisse départementale, vient de la constata-
colonne vertébrale ». Afin de procéder à ce tion de l’explosion d’un certain nombre de pro-
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ralentissement, le vœu pieux qu’opère le conseil blèmes dès les années 1950 – 1960. Souhaitant
d’administration est que les « dividendes » accompagner du mieux possible les agricul-
soient moins exigeants, voire, dans l’idéal, vien- teurs, la Mutualité doit faire face aux problèmes
nent soutenir l’agriculture. Ce que veut la Caisse économiques et démographiques constants
des Hautes-Pyrénées, en définitive, c’est le mais également à la question du poids des coti-
maintien de l’agriculture telle qu’elle est prati- sations pour les travailleurs agricoles locaux (a).
quée, et adaptée, au département. Le constat Malgré toute la bonne volonté de la MSA des
de l’Assemblée Générale de l’année suivante Hautes-Pyrénées, le problème démographique
suit le même cheminement . Il rappelle sensi- ne connaît pas une évolution favorable (b).
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blement les mêmes éléments, mais soutient que
l’« Entreprise » peut gagner à aider le monde a) Les problèmes économiques et
agricole. Il le présente comme un « champ for- démographiques
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midable de consommation » afin de considérer
qu’une stimulation de l’économie agricole entraî- Les questionnements économiques et démogra-
nerait une stimulation économique globale qui phiques sont soulevés dès le début des années
serait bénéfique à l’Entreprise comme à 1950. La Caisse centrale, représentée par le
l’Agriculture. directeur Burgaud, souligne que, malgré les
69 Ibid.
70 Ibid.
71 P. V. de l’Assemblée Générale du 20 novembre 1966.
72 Ibid.
73 P. V. de l’Assemblée Générale du 25 novembre 1967.
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