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F. UNE DUALITÉ SANITAIRE promouvoir la médecine libérale fondée sur le
monopole lorsque la révolution pasteurienne a
fait passer les médecins de la minorité empi-
Mais, paradoxalement, la loi sur l’AMG introduit rique à la majorité scientifique. Mais ils tiennent
un écart entre médecine de ville et hôpital, ins- les grands services, les chaires prestigieuses.
taurant le principe d’une dualité sanitaire que Mais ils attachent leur nom aux grands hôpitaux.
l’avenir confirmera. En effet, l’article 1 de la loi Ils ont conscience d’assurer la continuité de la
er
du 15 juillet 1893, si elle fait des soins à domicile santé publique et, en cas de calamité ou de fléau
la règle, institue l’hôpital comme lieu d’accueil généralisé, d’être les artisans du salut. Mais,
subsidiaire des indigents qui ne pourraient pas lorsqu’il y va du salut de tous, la médecine ne
être soignés utilement à domicile. Le rapport saurait agir sans un cadre politique. Le haut
d’enquête d’Henri Monod au Président du Con- clergé médical en appelle au bras séculier de
seil sur les équipements hospitaliers existants l’État dépositaire des instruments de contrainte
fait apparaître deux types d’établissements : publique.
1°) les hôpitaux ruraux, locaux, cantonaux, hôpi-
taux-hospices, infirmeries, répartis en zone ru- G. UN HYGIÉNISTE RÉFLÉCHIT SUR SA
rale, c’est-à-dire, suivant les normes en vigueur, DÉFAITE
les communes de moins de 2000 habitants ;
2°) les hôpitaux urbains « munis d’un outillage
perfectionné, et desservis par un personnel de La loi du 15 janvier 1902, grande charte sani-
choix ». taire, relative à la protection de la santé pu-
blique, munit l’appareil d’État de tous les
Ce rapport se contente de la classification som- moyens d’éteindre les menaces épidémiques et
maire entre grands et petits hôpitaux, hôpitaux de soumettre la population à l’obligation vacci-
urbains et hôpitaux ruraux, ces derniers étant les nale. Trois commandements : vacciner, décla-
satellites des premiers. Les médecins libéraux rer, désinfecter ! Il appartient à l’État d’édifier les
envahiront les hôpitaux locaux qu’ils considére- remparts biochimiques et d’entraîner les popula-
ront comme le prolongement naturel de leur tions aux combats invisibles des germes.
cabinet. Jusqu’aux années 1980 les hôpitaux La loi de 1902 marque la fin officielle de l’école
locaux, avant leur reconversion en maisons de hygiéniste.
retraite, se définiront négativement comme dé-
pourvus de plateau technique, et positivement
comme lieux d’exercice d’une pratique ambula-
toire assortie de prestations hôtelières.
Les hôpitaux des grands centres urbains,
quoique confondus avec l’assistance, compre-
naient une élite médicale sélectionnée depuis
1812 par le concours de l’internat, placée sous
l’autorité de l’Assistance publique, c’est-à-dire
de l’État, organisée en un corps hiérarchisé, aux
antipodes des conceptions entrepreneuriales
des médecins libéraux réfractaires aux concours
et hostiles à toute limitation externe de leur pra-
tique. La taille des hôpitaux délimite clairement,
à l’intérieur d’une profession toujours prompte à
afficher son unité, un tiers état et une noblesse
d’État qui le surplombe.
Faut-il en conclure que le prestige des sommités
n’a pas été étranger à l’obtention du monopole ?
Comment expliquer le ralliement actif d’un
Brouardel, hygiéniste dominateur, à la cause de
la médecine libérale ? Depuis 1776, les grands
médecins sont aussi les grands professeurs.
Brouardel lui-même est le doyen quasi inamo-
vible de la Faculté de médecine de Paris. C’est
sous la supervision des grands patrons que
s’élaborent les programmes médicaux, que se
cooptent les disciples, que s’engendre le tiers
état médical. Eux seuls peuvent attester la va-
leur du corps médical qu’ils forment. Eux seuls
Source : www.biusant.parisdescartes.fr/histmed/medica/
peuvent prendre le pouls de la nation. Eux seuls Vallin écrit : « Chose surprenante ! l’hygiène est bien accueillie
sont les arbitres de la santé publique. Ils ont su
par le public ; elle n'est pas en faveur auprès des médecins ».
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