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mentionnées que la nature de la maladie épidé- Ce rapport d’enquête et cette brochure de
mique et l’adresse de la maison où elle s’est combat du docteur Octave Du Mesnil, avait
produite. Le médecin ne sera pas tenu de signer relancé la question de l’habitat insalubre et de
sa déclaration. Il ne sera identifié que par un son action dans la propagation des épidémies.
numéro d’ordre administratif. L’anonymat du L’étude était dédiée au docteur Émile Roux,
médecin est garanti. Son rôle s’arrête au signa- pastorien du premier cercle, et reprenait
lement, la lutte contre les épidémies relevant en l’observation de terrain des enquêteurs sociaux
première ligne du pouvoir de police des maires. sous un angle pasteurien. Octave Du Mesnil,
Un commentateur perspicace du projet de loi maire de Créteil, était un missionnaire de
notait : « Une nouvelle loi sanitaire devrait donc l’hygiène en milieu ouvrier et un militant reconnu
suivre et compléter celle qui va régir l’exercice de la santé publique. Continuant l’œuvre d’un
de la médecine. Cette loi s’impose comme une Villermé ou d’un Parent-Duchâtelet, le docteur
nécessité sociale » (Gazette des tribunaux, Du Mesnil a parcouru, mesuré mètre par mètre,
10 décembre 1891). cartographié les rues et les quartiers de Paris les
L’article 15 consacre, divise la santé publique en plus exposés au choléra. Ce savant
objet collectif de police d’une part, en objet collaborateur des Annales d’Hygiène et de
médical individuel de l’autre. La loi du 30 no- Médecine légale décrit des choses débusquées,
vembre 1892 balaye et réduit au silence plus palpées, flairées.
d’un demi-siècle d’expérience hygiéniste. Les tableaux de Paris se succèdent sous les
espèces du putride, des résidus organiques, du
C. L’INCERTAIN COMBAT CONTRE cadavérique, de l’irrespirable, de la pestilence et
L’INSALUBRITÉ du miasme. Tel est le décor des baraques dis-
jointes de la cité de Kroumirs. « Le logement des
ouvriers » détermine un type de logement, pure-
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En 1890 paraît L’habitation du pauvre ment spéculatif qui les fait ressembler « aux
navires jadis destinés à la traite », reproduisant
systématiquement « malfaçons » et « nui-
sances » intérieures : locaux humides, gluants,
confinés, sans air ni lumière, sans évacuation
des immondices. Il est des « nuisances » spéci-
fiques à l’habitat du pauvre, quelle que soit sa
situation géographique, centrale ou périphé-
rique. L’auteur décrit les bouges de l’avenue de
Choisy, du boulevard de la Gare, de la rue du
Château. Il a visité des garnis, inspecté les cités
où se concentrent les populations ouvrières : la
cité Jeanne d’Arc, la cité des Kroumirs.
La rue Sainte Marguerite, dans le Faubourg
Saint Antoine, où croupissent ouvriers du
bâtiment et chiffonniers qui trafiquent les linges
et la literie des varioleux de l’Hôpital Saint
Antoine, s’avère la plus sordide, la plus infectée,
la plus menaçante. Là, « tous les germes
infectieux, ceux de la fièvre typhoïde comme
ceux de la variole, trouvent un terrain de culture
admirablement préparé pour se reproduire et se
répandre dans les quartiers voisins ». L’analyse
prédictive de 1883 se réalisait l’année suivante.
Du n° 19 de la rue sainte Marguerite devait partir
l’épidémie de choléra de 1884.
Du Mesnil passe de la question de l’habitat insa-
lubre à la question sociale. Comme Monod,
comme Napias , il plaide pour un système où
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l’assistance, - un droit continu -, remplace l’au-
mône, aide ponctuelle à un misérable « apparu
entre deux néants de misère, celle d’où il surgit,
celle où il retourne ». Il importe de renouveler la
charité, de la socialiser, de la structurer par deux
Source : gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France
66 O. DU MESNIL, L’habitation du pauvre, Préface de Jules Simon. Paris J.-B. Baillière et fils, 1890.
67 H. NAPIAS, Le mal de misère, étude d’hygiène sociale, Paris, A la librairie républicaine, 1876. Henri Napias,
directeur de l’Assistance publique, est également l’auteur d’un Manuel d’hygiène industrielle (1882).
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