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conservatrice. Elle entend récapituler toutes les
influences à l’action desquelles est exposé
l’homme sain. En disciple de Condillac, Hallé as-
pire pour cette science à une langue bien faite.
En 1828 Julien-Joseph Virey (1775-1846) pro-
pose une Hygiène Philosophique (1828) où il
traite de l’anthropologie dans une perspective
matérialiste, panthéiste et atomiste. Virey affiche
un vitalisme matérialiste qui contraste avec le
vitalisme agnostique et méthodologique de
Bichat.
Marie François Xavier Bichat (1771-1802), réno-
vateur de l’anatomie et de la physiologie,
n’échappe pas lui-même à la tentation anthropo-
logique lorsqu’il décrit la vie animale opposée à
la vie organique : « C’est donc par la vie animale
que l’homme est si grand, si supérieur à tous les
êtres qui l’entourent : par elle il appartient aux
sciences, aux arts, à tout ce qui l’éloigne des
attributs grossiers sous lesquels nous nous
représentons la matière, pour le rapprocher des
images sublimes que nous nous formons de la
spiritualité. » (Recherches physiologiques sur la
vie et sur la mort- 1 éd.1796). Il partage avec
e
toute la profession médicale un préjugé rous-
seauiste anti-urbain et pointe dans les forces de
mort les excès et les passions de la vie Fodéré, Essai historique et moral sur la pauvreté des nations...
sociale : « Tout est usé dans cette vie sous (« Source gallica.bnf.fr /BnF »)
l’influence sociale. »
À défaut de restaurer les jurandes et les corpo-
C. L’HYGIÉNISME SAISI PAR LA rations, il faut « réhabiliter les anciens règle-
ments de police des arts et métiers qui ont été
QUESTION SOCIALE
repoussés toujours pour les mêmes raisons qui
les avaient fait supprimer et d’après l’avis que
Le domaine de l’hygiène s’étend de l’anthro- l’on n’avait pas manqué de faire donner par les
pologie philosophique - l’homme sub specie chambres de commerce composées d’hommes
aeterni - à la philosophie politique, voire à qui se sont enrichis par le nouvel ordre des
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l’homme compris dans sa situation historique. choses . »
Fodéré propose de « taxer » (majorer) les sa-
François-Emmanuel Fodéré (1764-1835), est le laires « en proportion du prix des choses néces-
fondateur de la médecine légale, titulaire à saires à la classe de chaque ouvrier et en pro-
Strasbourg des premières chaires de médecine portion du prix du blé » (taxation ordinaire), et en
légale et d’hygiène publique, auteur d’un monu- proportion du débit des productions et du gain
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mental traité d’hygiène . des entrepreneurs (taxation extraordinaire).
Imbu des idéaux de la Société Royale de Il esquisse un système de retraite : « Il faut pou-
Médecine, il n’hésite pas à critiquer les voir, par l’établissement d’un fonds de retraite
hygiénistes parisiens soumis au pouvoir, et pris partie sur des dons de bienfaisance, et par-
prend parti sur ce qui deviendra la « question tie sur des retenues faites aux ouvriers eux-
sociale ». mêmes, ce que l’on ne peut que rarement
Fodéré publie en 1825 un Essai historique et espérer de la philanthropie des maîtres et des
moral sur la pauvreté des nations dans lequel fabricants. »
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il prend le contre-pied d’Adam Smith et de la Il exprime des vues neuves sur la pauvreté et
révolution thermidorienne. Il faut renoncer aux anticipe ce que nous appelons reproduction
soins à domicile et rétablir les hôpitaux et les sociale. Loin d’être un vice, la pauvreté n’est que
secours publics. l’illustration du « vice des institutions ».
63 François-Emmanuel FODÉRÉ, Traité de médecine légale et d’hygiène publique ou de police de santé, adapté
aux codes de l’Empire français et aux connaissances actuelles, Paris, Mame, 1813.
64 François-Emmanuel FODÉRÉ, Essai historique et moral sur la pauvreté des nations, la population, la
mendicité, les hôpitaux et les enfants trouvés, Paris, Huzard, 1825.
65 Idem, pp 302-303.
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