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III. UNE MÉDECINE DE SUBSTITUTION : L’HYGIÉNISME
Des médecins pour quelle médecine ? et fonde une anthropologie médico-politique
génératrice de normes sociales. « Les maladies
Si l’hôpital découvre l’anatomie pathologique, la spasmodiques de tout genre, écrit Pinel, ne
médecine de ville ne dispose d’aucun arsenal sont-elles point le fruit ordinaire de la dégénéra-
thérapeutique. L’hygiène reste le grand en- tion de l’espèce humaine, de l’abus des plaisirs
seignement médical. La médecine reste dans la des sens, d’une vie plongée dans les langueurs
dépendance de la médecine de toujours, de l’oisiveté et de la mollesse ? […] C’est par
l’hippocratisme, son fonds épistémique. une constante application de l’hygiène qu’on
Pinel rédige l’article « Expectation en médecine peut surtout obtenir des effets durables ; et de là
ou médecine expectante » du Dictionnaire des la nécessité d’une étude approfondie de cette
Sciences médicales de Panckoucke. La mé- partie de la médecine ». Le diagnostic médical
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decine expectante est une médecine clinique s’étant longuement attardé sur les constitutions
d’attente et d’observation. « Attendre, c’est environnementales dont l’étude mobilise toutes
observer, auprès du malade, le développement les sciences accessoires, culmine dans un ju-
gradué des symptômes, et leur succession gement moral qui interroge le secret de nos
suivant les périodes de la maladie […] Attendre, volitions ; tel est le sommet où le médecin réunit
c’est s’abstenir de tout moyen propre à troubler la société des hommes. La postulation d’un sys-
la tendance salutaire d’un grand nombre de ma- tème moral universel et commun permet de
ladies aiguës par une suite des lois primitives de passer de l’individuel au collectif ; la société, loin
notre organisme, mais qui ne demandent pas d’être une réalité différente des éléments qui la
moins de la part du médecin la surveillance la composent, n’est rien d’autre qu’une addition
plus active. » Le médecin vigilant saura ne pas des mêmes, des répliques d’un moi de réfé-
troubler par d’imprudentes manœuvres les rence, situés à des niveaux différents.
efforts spontanés de la nature, mais il la secon-
dera heureusement par une exacte application A. L’HOMME ET
des préceptes de l’hygiène.
L’EXPÉRIMENTATION SOCIALE
Dans sa Nosographie philosophique Pinel éla-
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bore un néo-hippocratisme environnemental La médecine « philosophique » d’un Pinel ou
équipé de toutes les données des sciences de d’un Cabanis participe du projet d’une société
l’observation, « sciences accessoires de la mé- savante : la Société des Observateurs de
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decine ». Cette méthodologie avait été mise au l’Homme qui connaît une brève mais féconde
point par la SRM dans sa production de « topo- durée d’activité (1799-1804), constituée d’Idéo-
graphies médicales » révélant la « constitution logues matérialistes et de spiritualistes, qui pro-
médicale » propre à chaque région. Pinel prend blématise l’humanité à partir du « sauvage ».
comme référence la topographie médicale de la Qu’il s’agisse des lointains sauvages, polyné-
« Haute-Auvergne » et liste les déterminants de siens, habitants des terres australes, africains ;
la santé : les sols, les eaux, les productions vé- ou des prochains, Victor l’Enfant sauvage de
gétales comestibles, les animaux, la constitution l’Aveyron, le fou, l’indigent.
physique et morale des habitants, les maladies Si la Société des Observateurs de l’Homme
endémiques, les manières de vivre. La méde- n’est pas une filiale de l’Idéologie, on ne saurait
cine s’affranchit des limites de la clinique, dans contester qu’elle est l’héritière des Lumières et
une visée collective d’intérêt général. La méde- de leur idéal de « sociabilité » fondé sur une
cine comme science de l’homme et médiatrice attitude de bienveillance envers les autres
de sociabilité, s’inquiète de l’avenir de l’espèce hommes d’où découlent les principes de la vie
51 PINEL, « Expectation en médecine ou maladie expectante » in Dictionnaire des Sciences médicales, par une
société de Médecins et de Chirurgiens , volume 14, Paris, C L Panckoucke éditeur, 1815, pp 248-252.
52 PINEL, Nosographie philosophique ou méthode de l’analyse appliquée à la médecine. 4 vol. Paris, Brosse 1810,
4° édit. Vol.1.
53 Ibidem, Préface, p CXXIX. Pinel anticipe l’obsession des aliénistes du second XIXe siècle : la dégénérescence.
54 Aux origines de l’anthropologie française. Les mémoires de la Société des Observateurs de l’Homme en l’an
VIII, présentés par Jean COPANS et Jean JASMIN, Le Sycomore, 1978. Édition revue et corrigée par les auteurs, Jean-
Michel Place, éditeur, 1994 (collection Les Cahiers de Gradhiva, n°23). À compléter par : Jean-Luc CHAPPEY, La Société
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des Observateurs de l’Homme, (1799-1804). Des anthropologues au temps de Bonaparte Paris, Société des
études robespierristes, 2002. L’auteur renouvelle le sujet par une étude des réseaux de sociabilité et une étude
prosopographique qui révèlent la figure centrale de l’abbé Sicard, éducateur des sourds-muets, qui élève le cas de l’enfant
trouvé de l’Aveyron au rang de question scientifique expérimentale et confie l’éducation du « sauvage » à Itard.
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